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Boris Taslitzky, janvier 1991, photo. I. Rollin-Royer



drapeau anglais Ce site dédié à Boris Taslitzky mon père, a pour objet de rendre accessible et de faire connaître à un plus large public l'ensemble de son œuvre, le plus souvent jusque là, abordé et limité à l'un ou l'autre de ses aspects.

Homme de conviction et d'action, il s'est courageusement engagé dans les événements tragiques qui ont marqué sa conscience et sa vie. Cependant, il est avant tout un artiste, la diversité comme l'importance de son œuvre qui couvre presque tout le vingtième siècle en témoignent.

D'une grande culture artistique, littéraire et historique, il s'inscrit avec détermination dans la lignée des artistes réalistes de la tradition française.
C'est à cet homme de courage, cet humaniste et cet artiste qui, quelles qu'aient été les circonstances, a toujours voulu rendre compte de la vie dans toutes ses dimensions, de la joie à l'outrage, de l'intime à l'engagement politique, que je souhaite rendre hommage; à mon père aussi, bien sûr.

Je remercie chaleureusement toutes les personnes qui collaborent à la réalisation de ce site, en particulier Isabelle Rollin-Royer, maître d'œuvre de l'ensemble, auteur de la plupart des textes de présentation et d'un grand nombre de photographies, Marie-Christine Auzou pour ses photographies de peintures et de dessins, Christophe Cognet pour la mise à disposition de son film, Jean-François Cornuet pour la construction du site, ainsi que les musées et collectionneurs privés qui m'ont communiqué les photographies des œuvres de mon père en leur possession.

Évelyne TASLITZKY

Peintre français, d'origine russe et de renommée internationale, Boris Taslitzky (1911-2005) est né à Paris où il a toujours vécu. Il est de ces artistes dont la vocation se révèle très tôt, il n'a que quinze ans lorsqu'il commence à fréquenter les académies de Montparnasse, puis l'École Nationale des Beaux-arts de Paris. Il est notamment soutenu par George Besson, Francis Jourdain ou Louis Aragon ; son atelier est un lieu où se croisent des personnalités du monde de l'art et de la culture. Sa peinture s'inscrit résolument dans la filiation d'une tradition française, de Poussin à Fragonard, de Ingres, Géricault et Delacroix à Courbet.

Son parcours est fortement marqué par les grands bouleversements de l'histoire du XXe siècle. A la fois témoin et acteur de cette histoire, ses engagements artistiques et politiques sont à la mesure de la conscience particulièrement aiguë qu'il a de sa responsabilité d'homme et d'artiste. En 1933, il entre à l'Association des Écrivains et Artistes Révolutionnaires (A.É.A.R) dont il devient secrétaire général de la section des Peintres et Sculpteurs, puis en 1935, il adhère au Parti communiste. Autour de la question du réalisme, il participe activement aux débats de la Maison de la Culture qui préfigurent la politique culturelle du Front Populaire.

Boris Taslitzky déclarait que toute sa vie avait été marquée par la guerre. Après l'échec de la révolution de 1905, ses parents fuient la Russie pour Paris ; lors de la première guerre mondiale, en 1915, son père est tué en combattant dans l'armée française et en 1942, sa mère, parce que juive, est arrêtée et assassinée par les nazis au camp d'Auschwitz. Dès les premières heures, l'engagement de Boris Taslitzky dans la Résistance est exemplaire. Mobilisé, il est fait prisonnier et s'évade. Coupable d'avoir réalisé des dessins engagés, il est à nouveau arrêté. Son activité de subversion ne faiblit pas au cours de son incarcération dans les geôles de Vichy, à la centrale de Riom, puis au camp de Saint Sulpice La Pointe où, avec la complicité des autres prisonniers, il peint un ensemble de fresques qui, par un article d'Aragon publié dans Regards, lui vaut le titre de « Maître de Saint Sulpice ». Il ne désarme pas même dans l'enfer concentrationnaire nazi de Buchenwald où, grâce à la solidarité et à l'organisation de résistance clandestine, Boris Taslitzky produit près de deux cents croquis et dessins, ainsi que cinq aquarelles. Rendant hommage au talent et au courage de son ami peintre, Aragon fait publier dès 1946 l'album, 111 dessins faits à Buchenwald. Après une réédition en 1978 de l'Association française Buchenwald-Dora, l'ensemble très largement enrichi est récemment paru chez Biro Editeur. Le Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme a consacré à ce témoignage graphique exceptionnel une exposition en 2006.

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Vue d'atelier avec le poêle,1970, huile sur toile, 100 x 100 cm

Sa vie durant, l'action militante de Boris Taslitzky en faveur de la justice et de la liberté est restée intimement liée à son œuvre. En 1952, à la veille de l'insurrection, il est invité avec le peintre Mireille Miailhe par le Parti communiste algérien ; ils rapportent des dessins dénonçant la misère et réalisent les toiles présentées à la galerie parisienne André Weil en janvier 1953. L'exposition fait scandale.

Une chronique autobiographique, Tu parles…, ainsi qu'un recueil de nouvelles, Tambour battant sont édités et en même temps qu'il donne à Ce soir des dessins d'actualité, ses études sont publiées dans Les Lettres françaises, L'Humanité, France Nouvelle, La Pensée, Europe, La Nouvelle Critique.

Si Boris Taslitzky est principalement connu comme peintre et dessinateur, il obtient le Prix Blumenthal en 1946, l'éloquence picturale et graphique qu'il manifeste se retrouve dans ses écrits sur l'art et sur les artistes. Sa participation critique et théorique, loin d'être mineure, se conjugue à son engagement politique et à son combat pour la valorisation d'une certaine idée de l'art et pour la défense des artistes. Très tôt encouragé par le sculpteur Jacques Lipchitz, il a assidûment fréquenté le Louvre. Boris Taslitzky nourrit en particulier une véritable passion pour Géricault. Le n° 11 des Annales de la Société des amis de Louis Aragon et Elsa Triolet vient de publier une anthologie de ses textes sur l'art, elle atteste sa grande culture. Son regard ne se tourne vers le passé que pour mieux comprendre le présent et participer à construire l'avenir. Ses écrits interrogent aussi l'œuvre des aînés qu'il côtoie, Gromaire, Lurçat, Gimond, Giacometti, comme celle des camarades qu'il admire, Gruber, Amblard.
Cette générosité se confirme par ses qualités de pédagogue, il enseigne le dessin à l'Ecole nationale supérieure des Arts Décoratifs de 1971 à 1980.
Toute la vie de Boris Taslitzky est empreinte d'une grande attention aux autres, à leur vie, à leurs bonheurs et à leurs peines.
C'est certainement cette ouverture, cette curiosité au monde, cet intérêt manifeste à ceux qui l'entourent qui constituent le moteur du rythme extraordinaire de la création artistique de Boris Taslitzky. Il dessine tout le temps, il dessine partout. Ses carnets de croquis sont innombrables. Les dessins sont parfois les études préparatoires aux peintures. En même temps que les sujets politiques, il compose de subtiles natures mortes, de superbes paysages et beaucoup de portraits : « Je collectionne les portraits comme d'autres collectionnent les papillons. »
Le film de Christophe Cognet, L'atelier de Boris, rend largement hommage aux qualités de cet observateur exceptionnel qui représente le quotidien et l'événement. Dans le meilleur comme dans le pire, Boris Taslitzky reste un témoin capable de recueillir la réalité même douloureuse, tragique jusqu'à l'insoutenable « Si je vais en enfer, j'y ferai des croquis. D'ailleurs, j'ai l'expérience, j'y suis allé et j'ai dessiné ».

Si l'art de Boris Taslitzky s'inscrit dans la tradition française du réalisme, si une part de ses peintures, dessins et écrits attestent qu'il est un artiste militant, il est dommage d'avoir trop souvent entendu limiter son œuvre à la dimension politique qu'elle porte, qui parfois l'exalte, sans cependant jamais la réduire.
Les armes de Boris Taslitzky sont le trait et la couleur, mais aussi le verbe et il est peu de personnalités aussi complètes que celle de cet artiste, guère de figures qui présentent une telle cohérence. De la vie à l'œuvre, de la pensée au dessin, à la peinture et à l'écriture, cette cohésion est exceptionnelle et d'une richesse étonnante.

En France et à l'étranger, l'œuvre de Boris Taslitzky est conservée dans de nombreuses collections privées mais aussi dans de prestigieuses collections publiques comme par exemple à Paris (Musée National d'Art Moderne, Musée d'Art Moderne de la ville de Paris, Musée des années 30), à Moscou (Musée Pouchkine) ou à Londres (Tate Modern).

Il est décoré de la Croix de guerre 1939-1945 et de la Médaille militaire. Il est également Chevalier de la Légion d'Honneur, Chevalier des Arts et Lettres, combattant de la résistance volontaire, médaillé de la déportation et de l'internement pour faits de résistance.

Isabelle ROLLIN-ROYER