Exposition ROUBAIX 2022

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Roubaix 2022 VERNISSAGE







gbBonsoir à toutes et à tous,

Je voudrais tout d'abord remercier tous les acteurs ayant rendue possible cette exposition consacrée à mon père : la Ville, la Région et bien sûr toute l'équipe de ce magnifique Musée de la Piscine - André Diligent, à commencer par Bruno Gaudichon et Alice Massé. Toute ma gratitude va aussi aux prêteurs d'œuvres, qu'ils soient institutionnels ou individuels, au Fonds de Dotation Boris Taslitzky et tout particulièrement à ses membres qui ont écrit des textes pour le catalogue de l'exposition, Christophe Cognet, auteur également d'un film sur mon père, Nathalie Hazan-Brunet, Isabelle Rollin-Royer et Sarah Wilson, ainsi que tous les autres auteurs, Anissa Bouayed, Julie Constant, Didier Schulmann, la liste est longue , je ne peux pas tous les citer mais ils ont toute ma reconnaissance.
S'agissant du Fonds de Dotation Boris Taslitzky, ma gratitude va à tous ses membres. Ils et elles ont accepté de s'occuper de l'œuvre de mon père avec moi et après moi : ceux que j'ai déjà cités, mais aussi ses anciens élèves Anne-Françoise Couloumy et Denis Pérus, ainsi que Marie-Christine Auzou, Blanche Grinbaum-Salgas, Diane Royer et Laure Wolmark. Je veux aussi remercier Pierre Buraglio et les artistes qui ont accepté d'exposer dans le contre-point de cette exposition : Clause Vialat, Ernest-Pignon-Ernest, Najah Albukai.

Vers la fin de sa vie, mon père se prenait la tête entre les mains et me regardait en disant « ma pauvre enfant, qu'est-ce que tu vas faire de tout ça ? » me montrant d'un geste large tout le contenu de son atelier. Il se rendait bien compte que ce serait une lourde charge. Il savait que je devrais restituer son atelier à la Ville de Paris et chercher un autre lieu pour conserver ses œuvres. Il était conscient que s'il était connu dans certains milieux, il ne l'était pas de ce que l'on appelle le grand public. Or son désir le plus ardent était que ses œuvres entrent dans les collections des musées pour y être conservées et exposées. Bien sûr il a vendu de son vivant beaucoup de peintures et de dessins à des amateurs, mais il était pleinement convaincu que seuls les musées pouvaient mettre en valeur ses grandes œuvres sociales et politiques et retracer son parcours. Un peu avant sa mort, comme il s'inquiétait encore « et qu'est-ce que tu vas faire de tout ça ? », j'ai répondu « je m'en occuperai ». Il m'a regardée et m'a dit « je sais ». Ce fut un échange bref mais intense. Une promesse.

Depuis son décès, je m'en occupe en effet, avec l'aide et le soutien de quelques personnes près de moi, en particulier Marie-Christine Auzou qui a procédé à l'archivage et la numérisation de tous les dessins (environ 17500), Isabelle Rollin-Royer qui a initié et organisé le site Internet consacré à mon père et Sarah Wilson qui a toujours été présente pour me prodiguer ses conseils.
J'ai effectivement restitué l'atelier de la rue Ricaut à la Ville de Paris et trouvé un nouveau lieu à Montrouge pour entreposer et montrer les œuvres. Les peintures, les dessins, les principaux outils du peintre, sa bibliothèque, tout cela est conservé et réparti en plusieurs endroits.
Des contacts ont été pris, des livres ont été réédités, des expositions se sont tenues au Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme, à la Maison Aragon et Elsa Triolet, des participations à des expositions collectives telles que Les Trésors de Banlieues à Gennevilliers, Libres comme l'Art à Paris, Inferno à Rome. Des ciments gravés voués à la destruction ont été sauvés à Levallois-Perret grâce à une mobilisation collective de levalloisiens et de représentants du monde de la culture dont en particulier Bruno Gaudichon ici présent et Hélène Amblard, journaliste, qui m'a aidée à mener ce combat. Des œuvres sont entrées dans des musées: le Musée National d'Art Moderne, le Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, le Musée du Quai Branly-Jacques Chirac, le Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme, le Musée de l'Immigration et le Musée de Denain.

Et maintenant, ici-même, dans ce merveilleux musée qu'est La Piscine, a été organisée cette belle et grande exposition qui rend compte assez largement du parcours de mon père. Ne pouvant tout montrer, c'est l'aspect social et politique de son œuvre qui a été choisi par l'équipe dirigeante du musée pour être mis en avant, laissant je l'espère pour d'autres expositions ultérieures des aspects plus intimes : des portraits, natures mortes et paysages qu'il a réalisés tout au long de sa vie.
Je voudrais souligner que je ne défends pas l'œuvre de mon père par simple piété filiale. Je m'y suis impliquée parce que je suis convaincue qu'il s'agit d'une œuvre de grande valeur sur les plans artistique et historique, qui s'étend sur presque tout un siècle dont elle rend compte, avec une grande attention toujours portée aux individus ainsi qu'à l'histoire et une sensibilité intacte à tous les aspects de la vie. Une vie qu'il n'a cessé d'aimer malgré les tragédies qu'il a dû surmonter. Il disait de lui-même que ce qui le caractérisait, c'était la gentillesse. Il fallait entendre ce terme dans son sens le plus noble. Même s'il avait connu la barbarie des hommes et n'avait guère d'illusions sur le fonctionnement de l'esprit et des sentiments humains, il cherchait toujours chez l'autre ce qu'il pouvait y avoir de positif. Il ne minimisait ni n'oubliait jamais l'offense, mais s'efforçait malgré tout à être juste dans ses jugements.
J'ai toujours aimé et admiré mes parents qui, tous les deux, étaient à mes yeux des « gens bien » comme on le dit familièrement. Honnêtes, droits, actifs, courageux, essayant de mettre leurs actes en accord avec leurs convictions. Je suis fière de ces valeurs qu'ils m'ont laissées en héritage et je les en remercie.

Aujourd'hui, dans ce splendide lieu de culture où cet hommage est rendu à Boris Taslitzky, je me sens fière de lui et heureuse d'être sa fille. Je suis sûre que lui aussi aurait été heureux de cette rétrospective. Je pense que cette œuvre a beaucoup à nous dire aujourd'hui, qu'elle n'est en rien une œuvre du passé. C'est sans doute le destin des artistes, des « vrais artistes » comme on le dit parfois, que leurs œuvres traversent les années, les siècles, en étant toujours une source de créativité et de réflexion pour les générations suivantes. Je suis convaincue que mon père fait partie de cette grande famille d'artistes capables d'inspirer la réflexion et de susciter un renouveau dans la création à partir de leur propre travail. Ces artistes sont des passeurs, se référant eux-mêmes à leurs aînés, apportant leur propre recherche, leur propre expérience, et accompagnant les vocations suivantes dans cette longue chaîne de références qui constitue l'histoire de l'art, toujours renouvelée, jamais figée, qui doit une grande partie de son actualité à son passé. Je vous remercie de votre attention.

Évelyne TASLITZKY

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ROUBAIX, exposition 2022, vernissage, discours d'Évelyne TASLITZKY, © Alain Leprince
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ROUBAIX, exposition 2022, vernissage, discours d'Évelyne TASLITZKY
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ROUBAIX, exposition 2022, vernissage, discours d'Évelyne TASLITZKY, © Alain Leprince