titre écrits

FIRST EDITION IN 1959, THE FRENCH UNITED PUBLISHERS french flag

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Tambour battant
Éditeur : Les Éditeurs Réunis
Première édition 1962
Couverture recto et verso
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Tambour battant
Éditeur : Les Éditeurs Réunis
Première édition 1962
Dédicace à son ami Jean Rollin
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Tambour battant
Éditeur : Les Éditeurs Réunis
Première édition 1962
Titre
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Tambour battant
Éditeur : Les Éditeurs Réunis
Première édition 1962
Dessin pour la nouvelle "CLAIR OBSCUR"
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Tambour battant
Éditeur : Les Éditeurs Réunis
Première édition 1962
Début de la nouvelle "COQ-COLONEL"
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Tambour battant
Éditeur : Les Éditeurs Réunis
Première édition 1962
Dessin pour la nouvelle "LUEURS EMMURÉES"
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Tambour battant
Éditeur : Les Éditeurs Réunis
Première édition 1962
Dessin pour la nouvelle "EXPÉRIENCES"


SECOND EDITION EN 2004, L'HARMATTAN PUBLISHERS

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Livre Tambour battant
Éditeur : l'Harmattan
Deuxième édition 2004
RECTO
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Livre Tambour battant
Éditeur : l'Harmattan
Deuxième édition 2004
VERSO


« TAMBOUR BATTANT » has just been published

« ... De loin en loin le peintre se mute en écrivain du dimanche », dit de lui-même Boris Taslitzky, dans les quelques lignes d'introduction

Cette phrase rend tout de suite présent au lecteur le ton simple, plein d'humour et de modestie gouailleuse qui donnait déjà à « Tu parles », premier livre de l'auteur, un tour si savoureux.

La perfection des nouvelles qu'il a réunies ici ne peut pas tromper : Taslitzky n'est pas un « écrivain du dimanche ». Nous sommes en face d'un vrai conteur qui nous encercle complètement dans un certain moment de la vie, nous rend la couleur, le mouvement, campe des gens réels que nous ne pourrons plus oublier et nous laisse pour finir, imprégnés de l'émotion particulière qu'il voulait communiquer ; qu'il s'agisse de scènes prises dans la vie des soldats de 40, des déportés de guerre ou des artistes actuels et de leur milieu

1 volume. 176 pages. 7 NF.
Illustrations de l'auteur.

Mireille BORIS, L'Humanité, 2 avril 1962

The painter Boris TASLITZKY publishes his second book with the French United Publishers
TAMBOUR BATTANT
(WAR AND FRIENDSHIP STORIES)


Feuilletons l'album de Boris Taslitzky : 1934, 35, 36 ; des toiles décrivant la misère, l'asile de nuit, la faim, suivies d'autres toiles peignant les grands défilés unitaires au Mur des Fédérés, les grèves. Bientôt, viennent les prisons, telles qu'il les imagine, et puis… telles qu'il les connaît ; l'armée de 39- 40, les déportés.

Puis la paix : un enfant dort près de sa mère. Sa vie personnelle, dans son œuvre, est toujours fondue, mêlé à la vie des autres.

Dans son atelier, une très grande toile : sur un âne, un blessé soutenu par deux hommes est guidé par un enfant. La main du blessé, visage renversé, pend et souffre. Boris Taslitzky a travaillé ce tableau en pensant à l'Algérie. Un peu plus loin, trois portraits, à la vérité de plus en plus approchée, de la fille du peintre ; un poêle en forme de tonnelet, dont on peut voir en face le « portrait » : « Tout ce que j'ai pu lui raconter à celui-là », nous dit le peintre.

Nous sommes venus voir Boris Taslitzky pour le faire parler de ce recueil de nouvelles : « Tambour battant » qu'il vient de publier (1) dont la qualité littéraire double une grande qualité de cœur. Nouvelles écrites, il y a deux ans, quand, au cours d'un voyage en Allemagne, l'auteur est retourné près de Buchenwald.

Tambour battant comporte, en effet, trois parties : la première faite de récits liés à la drôle de guerre ; la seconde au camp de Buchenwald ; la troisième, à la vie qu'il mène actuellement. Mais c'est par Buchenwald qu'il a commencé.

« Sur cette Babel où régnaient les SS d'autres ordres souterrains, secrets, mais efficaces, se dessinaient ; d'autres disciplines aussi, qu'il fallait unifier et à quoi s'employait la direction internationale des prisonniers, menant un héroïque combat auquel nous allions nous inclure, écrit-il. C'est ce qu'à mots couverts nous expliqua Robert, le secrétaire français, qui se mouvait dans cette cour des miracles comme un marquis dans une serre. » — J'étais dans l'avant-dernier convoi pour Buchenwald ; j'ai aussitôt fait parti de l'organisation politique : j'étais chargé de relever le moral des troupes.
La vie des souvenirs… Pourquoi affleurent-ils soudain, s'intègrent-t-ils dans la réalité quotidienne, sans à-propos définissable, s'installent-ils en moi, s'amplifient-ils jusqu'à prendre tant de place qu'ils se superposent au monde réel… Je ne connais qu'un moyen de faire taire l'intrusion de l'Histoire dans ce moment destiné à prendre sa place, à s'inclure dans l'éternelle chaîne des événements que les hommes créent, ce moyen, c'est de jeter mon souvenir sur le papier ou sur la toile, de m'en débarrasser au point de ne plus le reconnaître, d'en faire un portrait qui, à force de ressemblance, se mue en création, de le donner à d'autres qui croiront tel que qui, à la fois, fut tel et différent… »


Pour Boris Taslitzky, comme pour nos classiques, et c'est profondément en lui, « le moi est haïssable » ; mais il est fait et a vécu de telle sorte qu'il parle des autres en parlant de lui et, réciproquement. En 1940, il combattait sur la ligne Maginot ; et ce fut bientôt la débâcle :
— J'ai voulu montrer dans Tambour battant, pourquoi la France s'est ouverte en quarante jours. Nous, soldats, nous voulions nous battre.

Ce qu'il y a de pire que les longs convois de réfugiés civils sur lesquelles s'exerce la pitié, c'est un corps de troupe en panique, fuyant avec son commandement, jetant ses armes, cet agglomérat sans contour d'homme trahis qui ne peuvent plus ni commander, ni obéir, et se sentent salis, déshonorés, mais se refusent à être abandonnés dans l'ignominie qui les enserre, et appelle à la solidarité de la fuite. »


Est-ce triste, Tambour battant ? Non, malgré toute la tristesse du monde que recèle ce livre, Tambour battant n'est pas triste. Parce que Taslitzky a de l'humour (et c'est lié à une sorte de sagesse modeste) ; et parce qu'il aime les gens. Il ne se promène jamais, depuis des années, sans un carnet à croquis sur lequel il dessine furtivement des visages, de rencontres ou de connaissance. Visages qu'il « enregistre », sur lesquels il s'appesantit — dont le nombre et le travail ont accru, affiner chez lui le sens de l'humain — C'est dire toute la vie et toute la tendresse aussi, des portraits de soldats, de détenus, d'amis, qu'il fait dans son livre. Il les connaît par cœur il les a pris en lui, dans un regard.

Peut-être était-ce lorsque, étant prisonnier, Boris Taslitzky dessinait ses camarades pour envoyer cela aux familles et les rassurer sur leur vie, qu'il prit conscience de l'importance immense du portrait.

(1) Aux Éditeurs Français Réunis, qui ont déjà publié son premier livre : Tu parles…

Recueilli par Mireille BORIS

André STIL, 1963

The Sunday and the week

L'An dernier, à l'occasion d'un voyage en République Démocratique Allemande, j'ai passé une inoubliable journée avec un ami, un homme comme notre temps en fait peu. Il est peintre. Il fut déporté. La journée se passait entre la visite du camp de Büchenwald et celle du musée de Dresde. À la sortie du camp, dans la forêt, il m'a dit, avec un geste des doigts qui était déjà un dessin : « C'est ici que j'ai rencontré la plus belle femme du monde. » Et il m'a raconté l'histoire.

À cette émotion, et à toute l'émotion de cette journée, s'est ajoutée depuis celle de savoir que cela fut le commencement d'un livre : Tambour battant (1), de Boris Taslitzky, recueil de récits, dont La plus belle femme du monde est le plus court sans doute mais sans doute le plus important.

L'art de l'écriture ici ne se sépare pas de l'art d'être homme. Tambour battant, c'est la morale en marchant, sans fanfare et surtout pas au pas, l'indignation sans hésitation ou la douceur naturelle d'un homme qui ne rougit pas d'un « je » tout plein des autres, plus occupé d'eux que de lui-même, pour les aimer en acte, les admirer et souffrir avec eux, les aider.

Un soldat qui vole des poules pendant la drôle de guerre, dans Coq colonel, un autre qui se fait lui-même la «bonne» blessure, dans Croquis coté, sont dès le début des occasions de parler à l'homme. Et sans équivoque : « Je te désapprouve, Cloarerc, mon petit père. Totalement. » Et le « mon petit père » donne le ton de tout le livre, pour ce qu'il contient aussi de compréhension, de solidarité, de fraternité, d'esprit de responsabilité de chacun à l'égard de chacun. La plus grande chose est de pouvoir regarder en face, avec fierté, le mal comme le bien. Cette fierté est le premier personnage de plusieurs de ces histoires, depuis celle où un candidat professeur de dessin répugne à mener une sorte de campagne électorale de général en amiral et de colonel en membre de l'Institut, jusqu'à celle, Les trois gifles, où notamment l'admirable dignité d'officiers soviétique est opposée à l'ordure morale d'un « demi-sel » de la Waffen SS française. L'ordure morale, l'horreur morale, il y a dans ce livre un des croquis les plus terribles qui en aient été faits. C'est; dans cette même nouvelle, une leçon donnée par le chef du camp à son fils, âgé de cinq ans, devant un déporté : « Il avait doucement parlé au petit. L'enfant avait laissé tomber son mouchoir, l'officier avait ordonné à l'esclave de la ramasser. Celui-ci s'était rapidement baissé, la main tendue, saisissant le fin tissu, et l'enfant lui avait porté au visage un grand coup de son petit pied ferré à glace... » C'est la même horreur morale, la même inhumanité « ferré à glace », que dégage, dans le temps d'un coup d'œil, « la plus belle femme du monde », cette extraordinaire image contradictoire, que ces « esclaves » voient passer dans « sa honte dorée, drapée dans son mépris immaculé ».

Le temps d'un coup d'œil. Un croquis. Ces mots venus sous la plume disent déjà combien on sent, à tout moment, le peintre sous l'écrivain. Et sous le livre un carnet ouvert. Un simple «croquis coté» peut poser beaucoup de problèmes. Le plus beau cadeau que l'auteur ait reçu de sa vie, c'est à Büchenwald « un petit bloc de vrai papier à dessin et un tout petit bout de crayon ». Nous savons d'ailleurs ce qu'il en a fait. La façon enfin dont l'écrivain note une conversation, à bâtons vraiment rompus, de ses amis, tient du dessin crayonné en cachette, et l'un d'eux, peintre aussi, que tous ceux qui l'aiment reconnaîtront joyeusement, peut s'écrier quand il s'aperçoit : «Tu parles! Ce n'est pas ainsi qu'il tient son crayon pour dessiner. Tu écris quoi, crapule?» Il est vrai qu'écrire, pour un peintre, peut apparaître comme une sorte de trahison, surtout s'il n'est pas tendre pour «ces messieurs les écrivains». Celui-ci pourtant s'entend à la littérature, quoi qu'il en dise, tout autrement qu' «un écrivain du dimanche». Parler de carnet ne signifie pas que tout cela soit rapidement tracé, sans fini. Si certaines pages sont écrites au crayon, pour garder la fraîcheur de l'esquisse, d'autres le sont à l'encre de Chine, et on y sent tout ce que l'art de dessiner apporte à l'art d'écrire. Ce sont celles surtout où il est question du portrait, ou qui nous donnent elle-mêmes des portraits de personnages, des exemples de portraits écrits comme un peintre les peint. Pendez ces pages au mur d'un musée, elle tiennent; elles retiennent le regard, et longtemps. C'est le portrait de ce capitaine, qui s'achève ainsi : « Contrairement à ce qu'affirme l'autre, que les yeux sont le miroir de l'âme, je sais bien par une longue découverte du portrait que c'est toujours la bouche qui trahit l'homme et non les yeux ». C'est le portrait de L'amour d'Amaury, Sylvie, La beauté du refus féroce, et d'autres. Et de là vient aussi cette expression franche, claire, sans surchage. La morale elle-même est dans le regard, plus que dans les commentaires. La profondeur tient dans le trait.

C'est le propre de tout artiste de ne pas se satisfaire de la surface des choses. Qu'il soit peintre ou écrivain. L'amour de l'homme crève le papier comme la toile. Et aucun de «ces messieurs les écrivain» ne se formalisera sans doute d'une polémique affectueuse, d'une émulation d'autant plus fraternelle que l'auteur est à la fois juge et partie. Les écrivains ? « Des gens qui n'ont pas le sens des rapports. Les yeux, ils ne voient qu'eux. Le miroir de l'âme, vous savez bien. Nous, nous savons bien d'autres choses. Posez un ton faux dans le fond, cet autre plan de l'expression mobile, et vous avez raté les yeux. Vous avez tout manqué. L'œil, c'est une affaire d'atmosphère, la psychologie : une science des rapports. La plume aura beau faire, elle ne peut échapper à sa nature, elle ne peindra jamais que des mots. » Comme tu dis, collègue... L'essentiel n'est-il pas cet amour de l'homme, qui fait que chaque mot, comme chaque trait, est une recherche si passionnée, et de bien autre chose que de formes, de bien autre chose que la réussite d'une histoire ou d'une ressemblance, une recherche de vérité humaine et d'efficacité humaine ? Par exemple, « il faut être deux pour faire un portait ». Cet amour de l'homme qui fait dire, devant un officier capable de mourir pour un juste « baroud d'honneur » : « Jamais je n'ai autant aimé un homme qu'en cet instant-là, celui-là qui incarnait tout ce qui m'était étranger, tout hors le principal. » Cet amour de l'homme qu'exprime si fort l'histoire du jeune Hans, libre après douze ans de bagne, et qui ne sait pas — où l'aurait-il appris ? — ce qu'est une jeune fille qui rit. Cet amour de l'homme qui caresse — serait-ce à rebrousse poil — jusqu'aux « dadas » des divers amis réunis, pour l'un la musique de Berlioz, pour un autre la peinture de fresque, pour un autre le frère de Van Gogh.

Cet amour de l'homme qui, dans tout art vrai, met ainsi en fin de compte d'accord tous les goûts et les couleurs, et fera aimer, cher tambour, ton livre écrit peu-être le dimanche, mais avec le cœur de toute la semaine. Et le reste n'est que peinture.

(1) Éditeurs Français Réunis.

André STIL